Quatre ans jour pour jour après avoir quitté la Maison-Blanche, Donald Trump y a fait son retour tonitruant ce lundi 20 janvier. Et il n’a rien perdu de son sens du spectacle. A l’issue de sa prestation de serment dans l’enceinte du Capitole, le milliardaire a tout de suite donné le ton de sa nouvelle présidence lors de son discours d’investiture. “Dieu m’a sauvé pour que je rende sa grandeur à l’Amérique”, a asséné le 47e président américain, promettant de s’attaquer à une “élite corrompue et radicale”.
Huit ans après son premier discours d’investiture axé sur le “carnage américain”, le nouveau locataire de la Maison-Blanche s’est lancé dans une diatribe aux accents revanchards et nationalistes. “Donald Trump reste Donald Trump. Le début de son allocution a gardé une dimension très dystopique”, relève Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine, spécialiste des discours présidentiels et auteur de l’ouvrage Les mots de Trump (Dalloz, 2024). Interview.
L’Express : Quelle analyse faites-vous de ce discours d’investiture de Donald Trump ?
Jérôme Viala-Gaudefroy : Si on le compare à celui qu’il avait fait en 2017, lors de son premier mandat, alors ce discours d’investiture avait une tonalité légèrement plus positive. Notamment dans sa deuxième partie, lorsque Donald Trump a appelé à l’unité du pays, remercié les communautés noires et hispaniques, ou évoqué un certain nombre de mythes fondateurs américains.
Toutefois, Donald Trump reste Donald Trump. Le début de son allocution a ainsi gardé une dimension très dystopique. En particulier lorsqu’il a attaqué l’establishment, dénoncé la corruption, ou affirmé que le département de la Justice avait été utilisé contre lui. Il a également présenté son investiture comme étant un “jour de libération” pour l’Amérique, ce qui correspond au type de métaphores déjà utilisées lors de son discours d’investiture de 2017.
Le message d’unité porté par Donald Trump est-il vraiment crédible ?
Donald Trump a repris une mythologie américaine classique, en évoquant “l’exceptionnalisme américain”, ou la “destinée manifeste”, qui sont des concepts ayant été utilisés par d’autres présidents avant lui. Cela peut plaire à certains Américains, même si ça reste assez abstrait. On peut aussi noter que ce message d’unité reste très centré autour de sa personne et de son récit. Il se pose en sauveur qui va ramener la réalité du mythe américain dans la vie de ses concitoyens.
Qu’est-ce que ce discours augure de sa présidence à venir ?
Donald Trump a globalement repris tout ce qu’il avait déjà dit lors de sa campagne. Il a ainsi présenté ses grandes priorités, en rappelant son intention de forer de manière extensive, avec l’utilisation de son expression “drill, baby drill”, évoqué les tarifs douaniers qu’il compte imposer aux pays étrangers, et insisté sur les expulsions massives qu’il compte ordonner. Alors que les discours d’investitures sont souvent lissés, Donald Trump a continué à prôner des mesures très radicales. Cela plaît beaucoup à sa base parce qu’il reste fidèle à lui-même.
Donald Trump a aussi beaucoup évoqué la figure de Dieu…
Absolument, il adopte une posture quasi messianique. Et ce n’est pas la première fois. Lors de son premier mandat, il a été le président qui a le plus utilisé un langage religieux. Cela ne veut pas dire qu’il y croit réellement, mais c’est une rhétorique qu’il a énormément employée.
Or il ne le fait pas par hasard : les évangéliques blancs représentent une part très importante de son électorat. Donald Trump met donc à profit ce mythe du sauveur. En se présentant comme la victime de poursuites judiciaires et de tentatives d’assassinat, il se pose à la fois en héros et en martyr, qui, pour reprendre ses termes, a été “sauvé par Dieu pour rendre sa grandeur à l’Amérique”.
Dans une deuxième prise de parole devant ses partisans, Donald Trump s’est montré encore plus incisif en s’en prenant pêle-mêle à Joe Biden, Nancy Pelosi et Liz Cheney, avant de présenter les assaillants du Capitole comme des “otages” puis d’évoquer “l’élection truquée de 2020”. Comment expliquer cette différence de ton avec son discours d’investiture ?
Le discours d’investiture de Donald Trump avait été écrit, probablement par son équipe, et a été lu sur un téléprompteur. Alors que le second ne l’était pas : il n’a pas été peaufiné avec des éléments de langages et est sorti de ses tripes. Dès lors, on a retrouvé le Trump habituel. Dans le fond, ce deuxième discours nous montre que Donald Trump n’a pas changé. Et c’est un bon moyen pour lui de galvaniser ses partisans.
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