Les Français ne sont pas sérieux quand, interrogés pour un sondage (1), ils se prononcent très majoritairement (62 %) en faveur du retour de l’âge de la retraite à 62 ans. Le chef du gouvernement n’est pas sérieux quand il promet de remettre en chantier “sans tabou” la réforme des retraites, y compris sur l’âge de départ.
On comprend les premiers : la quille à 62 ans au lieu de 64, ça ne se refuse pas ! On perçoit les arrière-pensées du second : un “conclave” sur les retraites pour éviter une motion de censure, quitte à lâcher du lest budgétaire pour s’assurer le ralliement des députés socialistes, il fallait l’inventer !
Hélas, la tambouille politique a ses raisons que la raison économique ignore. Or, même si cela ne fait plaisir ni aux Français ni à leurs représentants politiques, à la fin, c’est bien cette dernière qui s’impose. Inutile de demander à la Cour des comptes un énième audit sur le financement des retraites : les données sont connues, rappelons-les.
Les Français, avec un âge effectif de départ de 62,4 ans pour les hommes et de 62,7 ans pour les femmes, cessent de travailler deux ans que leurs voisins allemands et italiens et un an et demi plus tôt que la moyenne européenne. Seul le Luxembourg affiche un âge de départ à la retraite plus précoce qu’en France… Logiquement, les dépenses des retraites grèvent notre économie encore plus qu’ailleurs : 14,4 % du PIB, soit deux points et demi de plus que dans la zone euro.
Un débat loin d’être clos
Le problème, c’est que nos cotisations ne s’élèvent qu’à hauteur de 11 % du PIB : le déficit qui en résulte (3,4 % du PIB) doit être comblé par des taxes et de l’endettement. Enfin, rappelons que l’espérance de vie en France n’a cessé de progresser : + 3,3 années en moyenne depuis 1990 (83,1 ans pour les hommes et 87,4 ans pour les femmes). Dans ces conditions, est-il sage de rouvrir le chantier des retraites ? A-t-on au moins une idée du coût d’un abaissement de l’âge de la retraite à 62 ans au lieu de 64 ? “Toutes choses égales par ailleurs, cela signifie que vous passez deux années de plus à la retraite et deux années de moins à cotiser, explique Denis Ferrand, directeur général de Rexecode, ce qui entraînerait une augmentation du taux de cotisation vieillesse de 4,2 points.”
Hypersensible et très clivant, le débat sur les retraites est loin d’être clos : il risque de revenir au galop dans la prochaine campagne présidentielle. L’occasion d’élargir la focale à la question du travail, et en particulier de la quantité de travail en France. Or les faits sont têtus : les Français sont à la traîne, voire en queue du peloton européen. “On a beau retourner l’équation dans tous les sens, le constat est sans appel : 6 Français sur 10 ne travaillent pas, parce qu’ils sont trop jeunes, en formation, en retraite, au chômage… “, rapporte l’essayiste Denis Olivennes dans un petit livre très bien fait (2). Avec une durée effective de travail parmi les plus basses d’Europe et une participation au marché du travail parmi les plus faibles du continent, les Français cumulent les handicaps. N’est-il pas urgent de faire plus de pédagogie et moins de démagogie sur le sujet ?
(1) Elabe pour BFMTV (janvier 2025).
(2) La France doit travailler plus…, Albin Michel, 2025.
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