C’est un clou supplémentaire dans le cercueil du multilatéralisme. Après être sorti de l’accord de Paris sur le climat, avoir claqué la porte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), bloqué l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), biffé les accords de libre-échange avec ses voisins canadien et mexicain, voilà que Donald Trump vient de dénoncer l’accord fiscal international conclu il y a plus de trois ans sous l’égide de l’OCDE. Ce dernier fixe le cadre d’un impôt minimum pour les multinationales et d’une juste taxation des grandes plateformes du numérique.
Petit flash-back : en octobre 2021, après plus d’une douzaine d’années de discussions et de sommets sans lendemain, 130 pays signaient “l’accord fiscal le plus important depuis près d’un siècle”, fanfaronnait Bruno Le Maire, alors ministre français de l’Economie. Une avancée majeure qui doit – sur le papier – permettre à la fois de freiner la concurrence fiscale entre Etats et de limiter les montages d’optimisation dont les géants de la tech raffolent. Dans le détail, cet accord porte sur deux piliers. Le premier doit garantir une répartition plus équitable des bénéfices des grands groupes en attribuant notamment des droits à taxer aux pays dans lesquels ces multinationales exercent une activité. Le second vise à introduire un impôt sur les sociétés (IS) minimum d’au moins 15 %.
C’est ce dernier point qui irrite Washington aujourd’hui. Car, dans les faits, cet accord autorise les pays signataires à exiger des multinationales américaines qu’elles leur versent un reliquat de taxes si leur taux d’imposition aux Etats-Unis est inférieur à 15 %. Problème, leur taux effectif d’IS est aujourd’hui proche de 10 % seulement. Inacceptable pour les géants de la tech, qui ont prêté allégeance à Trump, de verser le moindre dollar d’impôt supplémentaire. Inacceptable aussi pour le nouveau président américain de voir ses nouveaux chouchous de la Silicon Valley rattrapés par une forme d’extraterritorialité du droit. Ironie de l’histoire, les Etats-Unis usent et abusent pourtant de cette arme depuis des années, profitant de l’hégémonie du dollar pour sanctionner individus et entreprises partout sur la planète. En rétorsion, Donald Trump menace de doubler l’imposition des entreprises étrangères des pays signataires de l’accord installées aux Etats-Unis. En première ligne, les groupes européens et japonais. Après la guerre commerciale, la guerre fiscale.
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