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L’espérance de vie progresse, mais à quel prix ? Par le Pr Alain Fischer


La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a publié fin 2024, comme elle le fait chaque année, des données très intéressantes sur l’espérance de vie des Français, ainsi que sur leur espérance de vie sans incapacité. Les nouvelles sont globalement bonnes ! L’espérance de vie à la naissance des femmes est de 85,7 ans et celle des hommes atteint 80 ans, soit un niveau supérieur à 2019. L’effet de la pandémie de Covid se trouve ainsi effacé. En quinze ans, les femmes ont gagné 1,4 an d’espérance de vie à la naissance et les hommes, 2,4 ans. Mieux encore, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans, c’est-à-dire sans problème de santé limitant les activités quotidiennes, est aujourd’hui de 12 ans pour les femmes et de 10,5 ans pour les hommes soit un gain de près de 2 ans en 15 ans !

A 65 ans, l’espérance de vie sans incapacité forte progresse aussi : 18,5 ans pour les femmes et 15,8 ans pour les hommes. Globalement, cette dernière progresse plus vite que l’espérance de vie. A noter que, à la naissance, l’espérance de vie sans incapacité a diminué de 3 mois pour les femmes (64,2 ans) mais progressé de 8 mois pour les hommes (63,8 ans). Ces données placent la France parmi les mieux classés au sein de l’Union européenne, après notamment les pays scandinaves.

Comment interpréter ces données ? La progression de l’espérance de vie sans incapacité après 65 ans suggère un recul de l’âge d’apparition des maladies chroniques liées au vieillissement (maladies dégénératives neurosensorielles, maladies cardiovasculaires, cancers) ainsi qu’une meilleure prise en charge des pathologies notamment aiguës. Dans le premier cas, on peut prendre en compte une progression de l’application des mesures de prévention médicamenteuses et non médicamenteuses (exercice physique, meilleure nutrition, réduction de l’usage de l’alcool et du tabac) ; dans le second, un effet des progrès de la médecine.

Peut-on se satisfaire pleinement de ces résultats ? Certainement pas, si l’on considère la persistance d’importantes inégalités sociales dans l’espérance de vie (jusqu’à 8 ans d’écart entre les Français les plus défavorisés et les plus aisés) et l’inégalité d’accès aux soins liée au profil de répartition de l’offre de soins sur le territoire. Par défaut, cette inégalité indique que l’on devrait pouvoir, en la corrigeant, aboutir à de meilleurs résultats, analogues à ceux obtenus en Scandinavie.

Des dépenses utiles, mais à maîtriser

Par ailleurs, l’augmentation de l’espérance de vie entraîne mécaniquement un accroissement du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques liées au vieillissement. Cela concourt, avec l’évolution des prix de l’innovation médicale, à l’augmentation des dépenses de santé : 325 milliards d’euros en 2023 en France, soit 11, 8 % du PIB, en croissance régulière depuis des années. Il est réconfortant d’observer que ces dépenses corrèlent avec une progression des indicateurs de santé, mais la question se pose du financement de ces dépenses dont on sait qu’elles vont croître.

Il y a certainement des marges de progression : on s’aperçoit ainsi que les dépenses de prévention ne représentent que 7,5 milliards, soit 2,3 % du total des dépenses de santé. Il est sûrement possible de mieux faire, et ce dans de nombreuses directions. Il est admis qu’il persiste une proportion non négligeable de prescriptions non justifiées tant d’examens que de traitements. Des mesures d’incitation à la juste prescription devaient être renforcées. Par ailleurs, comment ne pas s’étonner de la duplication des frais de gestion liés aux doublons entre l’assurance-maladie et les complémentaires santé ? Ne pourrait-on réfléchir à la mise en place d’un système unique, susceptible d’économiser plusieurs milliards d’euros ?

Enfin, au sein des dépenses de santé la part liée à l’achat des médicaments poursuit son augmentation (au moins 33 milliards), due au prix des médicaments innovants. On aimerait voir se mettre en place une meilleure régulation des prix, idéalement à l’échelle de l’Union européenne comme ce fut les cas pour l’achat des vaccins contre le Covid. Notre santé coûte cher, elle coûtera sans doute encore plus cher demain, mais les statistiques de la Drees sont porteuses d’espoir sur le fait que ces dépenses sont utiles – à condition d’en améliorer l’efficience.

Alain Fischer est professeur émérite au Collège de France et cofondateur de l’Institut des maladies génétiques




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