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Hello Quitte X : Bluesky, grand gagnant de l’opération ?


Comme de nombreux utilisateurs du réseau social X, vous vous êtes peut-être demandé si vous deviez quitter la plateforme depuis son rachat par Elon Musk. Pour certains, cette interrogation a émergé dès la vente de l’application au milliardaire ; pour d’autres, elle a pu apparaître plus tard, lorsqu’il a annoncé son ralliement à la campagne présidentielle de Donald Trump, par exemple. Peut-être avez-vous été dérangés par les changements d’algorithme… ou excédés par l’apparent salut nazi du fondateur de SpaceX, lors de l’investiture du nouveau président américain. Une chose est certaine, le réseau social a beaucoup changé ces dernières années et une question devient obsédante : faut-il abandonner l’ancien Twitter ?

Certains ont déjà sauté le pas, à l’image de l’Institut Pasteur, qui a officialisé son départ le 16 janvier, ou encore du Guardian, le grand quotidien britannique qui a arrêté de poster dès le mois de novembre dernier. Du côté de la presse française, Le Monde a pris une décision similaire et de nombreux internautes pourraient bientôt leur emboiter le pas.

Pour encourager le départ des utilisateurs du réseau vers d’autres plateformes jugées “plus vertueuses”, une équipe menée par David Chavalarias, chercheur en mathématiques rattaché au CNRS, a ainsi créé la plateforme “HelloQuitteX”. Le principe : aider les internautes à archiver le contenu de leur compte X puis les accompagner en transférant leurs abonnés et leurs abonnements vers une autre plateforme comme Bluesky ou Mastodon. Dans un échange avec nos confrères de l’AFP, le spécialiste remarque que “beaucoup d’utilisateurs sont captifs de leur audience sur X. Certains n’arrivent pas à se décider à partir, de peur de perdre leurs sources ou leur public.” Son outil – qui aurait donc vocation à y remédier – a connu un large retentissement médiatique en quelques jours.

“Le 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump, quittons X”, pouvait-on encore lire sur la page d’accueil du site à la mi-janvier. Pour ce faire, la plateforme propose une panoplie de solutions allant du “gel” d’un compte (qui n’est alors plus alimenté, à l’image du compte officiel du journal Le Monde) jusqu’à sa suppression pure et simple. “Il y a plein de manières de prendre ses distances avec X”, note David Chavalarias qui se dit satisfait du nombre d’inscriptions sur le site du mouvement à la date prévue. Pour le mathématicien, “il est important d’avoir des identités numériques sur différentes plateformes” pour se libérer d’un réseau qu’il juge “objectivement dangereux.”

Pas d’exode numérique massif

Plusieurs jours après le retour du magnat new-yorkais à la Maison-Blanche, L’Express a donc choisi de faire un point sur le bilan de l’opération Hello Quitte X. Puisqu’il est difficile de connaître le nombre exact de comptes existants sur la plateforme d’Elon Musk, notre équipe a effectué des relevés du compteur d’abonnés de plusieurs médias français et anglo-saxons. Et les résultats nous ont interpellés : depuis le 15 janvier, aucun compte n’a perdu plus de 5 000 abonnés (soit une baisse inférieure à 0,2 % de leur compteur total) sur X. A l’inverse, des plateformes comme Bluesky ont clairement bénéficié du mouvement lancé par les développeurs d’Hello Quitte X.

Si la croissance du nombre d’abonnés Bluesky des médias américains semble globalement constante, on observe une inflexion claire de la courbe d’augmentation de celui des médias français au moment de l’investiture de Donald Trump. A titre d’exemple, le compte officiel de notre magazine a gagné environ 750 abonnés supplémentaires en une semaine, soit une hausse de 16,38 %, tandis que notre compte X a perdu environ 2 000 abonnés. Impossible de savoir avec exactitude la proportion d’abonnés qui a migré d’une plateforme à l’autre, mais la dynamique observée interroge.

Si on élargit la focale, on constate une tendance similaire. Des analystes de données américains ont décrypté l’activité des internautes sur Bluesky en s’appuyant sur le nombre d’utilisateurs uniques ayant liké un post ou publié sur la plateforme. Deux pics d’activité récents sont clairement observables : le premier à la mi-novembre, quelques jours après l’officialisation de l’entrée d’Elon Musk au gouvernement américain et le second au moment de l’investiture présidentielle. La plateforme au papillon semble ressortir gagnante de la séquence.

“Ce qui compte, c’est moins le nombre de comptes que le nombre de connexions entre utilisateurs”, souligne Jean Cattan, docteur en droit public et secrétaire général du Conseil national du numérique, un organe consultatif rattaché directement au ministère. Ce spécialiste des réseaux sociaux rappelle que quelques milliers de comptes supplémentaires sur une plateforme peuvent représenter des millions de connexions en plus et favoriser le développement de réseaux alternatifs à l’ancien Twitter. “Ce qui est fondamental dans ce mouvement, c’est la propagation en dehors de X”, explique-t-il. En ce sens, l’opération Hello Quitte X semble plutôt réussie.

Plateforme américaine, débats européens

Le débat autour du mouvement initié par David Chavalarias pose une question bien plus importante : celle de la portabilité, à savoir la possibilité pour un utilisateur de réseau social de transférer ces données d’une plateforme à l’autre, comme on peut transférer son numéro de téléphone d’un opérateur à l’autre par exemple. Actuellement, la réglementation en vigueur (le DMA européen) encourage les acteurs économiques à faciliter cette portabilité, mais elle n’est pas contraignante. Pour Jean Cattan, Hello Quitte X “est un rappel à l’ordre pour les autorités, qui doivent agir pour imposer cette portabilité aux plateformes.”

A l’heure actuelle, Elon Musk s’y refuse, espérant certainement préserver son réseau d’une fuite plus importante vers ses principaux concurrents. Dans un article publié ce samedi 25 janvier, le Wall Street Journal dévoile un mail que le milliardaire aurait envoyé aux employés de Twitter faisant état “d’une croissance d’utilisateurs stagnante” et de “recettes insignifiantes” de la société.




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