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George Lee (Goldman Sachs) : “Nous sommes très impressionnés par Mistral”


La Chine était sur toutes les lèvres au sommet IA de Paris, ces 10 et 11 février. Il est vrai que la start-up DeepSeek avait habilement choisi sa fenêtre de lancement, quelques semaines avant cet évènement mondial. L’américain OpenAI aussi a multiplié les annonces, tout comme le Français Mistral qui a lancé son chatbot IA baptisé Le Chat. Mais sur l’échiquier mondial de l’IA, qui court réellement en tête ? Et quels pays avancent discrètement mais sûrement ? Réponses avec George Lee, co-directeur du Goldman Sachs Global Institute.

L’Express : Où se situe la Chine dans la course à l’IA ?

George Lee : Tout le monde est impressionné par les avancées de la Chine dans l’IA, en particulier Alibaba avec Qwen et le modèle DeepSeek. Nous disposons d’assez bonnes informations sur l’IA chinoise, mais nous n’avons pas tous les détails. DeepSeek imite des modèles frontières et semble les rattraper plutôt bien. Et ce, malgré les limites de la Chine en matière d’accès aux GPU haute performance. Ils semblent aussi avoir réduit les coûts de la phase d’entraînement. Cela rappelle une leçon importante : la nécessité est mère de l’invention. La Chine, privée de certaines ressources, a été contrainte de se concentrer sur des approches alternatives spécifiques. Les informations disponibles sur DeepSeek sont imparfaites mais néanmoins frappantes. Elles nous rappellent qu’il ne faut jamais sous-estimer la Chine. D’autant plus qu’elle dispose d’énormes ressources et de la volonté de les utiliser pour améliorer sa technologie.

Quel sera l’impact de l’élection de Donald Trump sur l’IA américaine ?

Il est encore tôt pour tirer des conclusions. Je ferais deux observations. L’administration Trump semble adopter une approche pro-croissance, peu réglementée et pragmatique. Et l’IA est de plus en plus perçue à Washington comme un facteur de concurrence mondiale. Il semble que l’administration Trump soit aussi décidée que la précédente à imposer des sanctions. Elle les considère comme un outil utile.

L’Europe est-elle à la traîne ?

L’Europe dispose de deux atouts majeurs. Un extraordinaire réservoir de capital intellectuel dans ce domaine. De nombreux éléments fondamentaux de l’IA – mathématiques, probabilités, logique, philosophie – se développent ici. Vous disposez d’institutions universitaires de premier plan qui sont bien équipées pour produire des diplômés de haut niveau. Je reste extrêmement optimiste sur l’Europe. En ce qui concerne la réglementation européenne en matière d’IA, il y a deux facettes à cette médaille. Certains innovateurs et entrepreneurs perçoivent les réglementations européennes comme restrictives et intrusives. D’un autre côté, des réglementations claires fournissent des garde-fous et clarifient les opportunités et les risques dont les entreprises doivent être conscientes. Il y a donc un avantage à la réglementation, même pour les jeunes pousses. L’une des faiblesses de l’Europe est qu’elle est confrontée à des défis similaires à ceux d’autres régions. Disposez-vous d’une puissance informatique suffisante ? Avez-vous l’infrastructure énergétique nécessaire à l’entraînement et l’utilisation de l’IA ? Les Etats-Unis se sont attachés à créer des voies pour accélérer le développement de l’IA. Pour l’Europe, les mêmes questions se posent mais de manière plus complexe en raison de la nature fragmentée de cet ensemble de pays. La Chine, en revanche, dispose d’un avantage majeur à cet égard.

Que pensez-vous de Mistral ? Actuellement, l’Europe n’a qu’une seule start-up européenne dans les modèles d’IA “frontières”, les plus puissants. N’est-ce pas un problème ?

Nous sommes tous très impressionnés par les progrès de Mistral. Mais vous avez raison, sur les 15 à 20 premiers modèles “frontière”, très peu sont européens. Toutefois, l’Europe ne doit pas se contenter d’être un producteur de modèles. La clé sera la manière dont l’IA sera utilisée pour créer de la productivité et un impact économique. Nous devons rester attentifs à cette dynamique.

Quels sont les nouveaux acteurs à surveiller dans le domaine de l’IA ?

Deux régions méritent notre attention. Les pays du Golfe. Stargate, l’annonce récente d’OpenAI et de SoftBank avec le fonds d’Abou Dabi, MGX, était à ce titre particulièrement notable. Les pays du Golfe se distinguent par leur engagement dans l’IA, leur sophistication et leur recherche agressive d’opportunités dans ce domaine. L’Inde est l’autre acteur à surveiller dans le domaine. Elle présente des similitudes avec l’Europe, notamment son solide écosystème universitaire. Je pense que l’Inde deviendra un acteur important à l’avenir. Bien entendu, Taïwan (TSMC), les Pays-Bas (ASML) et le Japon restent des pôles clés dans l’écosystème de l’IA. Le Japon, en particulier, a fait des progrès impressionnants. Sa force réside dans le fait que le pays est un point nodal de l’IA et de la robotique.

Quel est, et quel sera demain, l’impact concret de l’IA sur l’économie ? Certains experts craignent une bulle de l’IA…

Le débat sur l’impact économique mesurable de l’IA – son ampleur et son calendrier – n’est pas clos. Mais nous voyons déjà des exemples clairs de la valeur ajoutée de l’IA pour les entreprises. Il y a toujours un décalage entre le développement des capacités et l’adoption dans le monde réel. Concernant le risque de bulle de l’IA, je dirais que cette technologie évolue à un rythme sans précédent. En raison de sa nouveauté et de sa complexité, le secteur a attiré énormément d’investissements et d’attention. Toutefois, la voie à suivre est très incertaine. Historiquement, les marchés ont tendance à osciller autour des nouvelles technologies. Je pense qu’il est probable que nous assisterons à des fluctuations, mais comme la technologie continue de progresser, le marché finira par calibrer l’impact réel de l’IA.

Nous comprenons mieux l’IA que lors du lancement de ChatGPT en 2022. Quels sont les points sur lesquels nous nous sommes complètement trompés à l’époque ?

La vitesse du changement est en effet stupéfiante. Il suffit de se rappeler le choc et la stupéfaction provoqués par la sortie de GPT-3.5. Peu d’observateurs auraient prédit un tel taux d’amélioration. La principale chose que nous n’avions pas prévue, je pense, touche aux principes de passage à l’échelle (scaling laws) : le fait que plus il y a de données et plus on utilise de calcul pour entraîner le modèle, plus il s’améliore. Beaucoup de gens pensaient que cela ne durerait pas. Que l’on se heurterait rapidement à un mur. Mais aujourd’hui, nous constatons qu’il existe une autre couche que nous pouvons mettre à l’échelle : non pas pendant la période d’entraînement, mais pendant l’inférence (NDLR : lorsque les modèles génèrent la réponse à notre demande). Nombreux sont ceux qui pensent que les progrès ralentissent, mais cette nouvelle avancée suggère le contraire.

Garantir l’exactitude des réponses de l’IA demeure un défi. Pourra-t-on seulement y arriver ?

Par le passé, nous avons utilisé des systèmes déterministes. La nature des nouvelles IA génératives est en revanche probabiliste. Cela limite intrinsèquement certains cas d’utilisation. Cependant, les progrès en matière de précision et de fiabilité ont été remarquables grâce à des techniques telles que le RAG (Retrieval-Augmented Generation), des méthodes de recherche basées sur l’internet, de meilleurs outils d’ancrage et de validation. C’est ce que l’on constate dans les derniers outils de recherche approfondie de Google ou d’OpenAI. Cela dit, certains aspects probabilistes inhérents à l’IA subsisteront toujours.




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