On l’appelle le “département des tâches spéciales”. Spéciales, les missions de ce département d’espions le sont bel et bien : tentative de meurtre à l’étranger, sabotage logistique ou attaques aux dispositifs incendiaires… Dans une enquête, le Wall Street Journal (WSJ) révèle l’histoire de cette unité secrète des renseignements russes qui mènerait, dans l’ombre, la charge contre l’Occident.
Mis en place en 2023 “en réponse au soutien occidental à l’Ukraine”, c’est depuis “l’aquarium”, le quartier général du renseignement militaire russe, que ce département opère. Selon les sources européennes et américaines du quotidien, “il comprend des vétérans de certaines des opérations clandestines les plus audacieuses de Russie ces dernières années”. Devenu depuis particulièrement puissant au sein des services d’espionnages, ce département, dont l’acronyme russe est SSD, dirige désormais une partie du FSB et aurait complètement absorbé l’Unité 29155, identifiée par les renseignements européens comme responsable de l’empoisonnement en 2018 de l’agent double Sergei Skripal.
Le SSD se concentrerait sur trois grandes tâches : “effectuer des missions de sabotage à l’étranger, infiltrer des entreprises et universités occidentales, et recruter et former des agents étrangers”, comme en Ukraine ou encore en Serbie, liste le WSJ.
Spécialité : attaques aux dispositifs incendiaires
Cette unité serait ainsi à l’origine d’une série d’attaques contre les pays occidentaux ces deux dernières années. Parmi elles, détaille le journal, “la tentative de meurtre du directeur général d’un fabricant d’armes allemand” et pourvoyeur principal de munitions d’artillerie à l’Ukraine, le directeur général de Rheinmetall Armin Papperger. Mais aussi une succession d’attentats suivant un mode opératoire privilégié par le SSD : l’attaque à la bombe incendiaire.
En mai dernier, le service de sécurité ukrainien a déclaré avoir déjoué un complot de la Russie visant à mettre le feu à plusieurs supermarchés et à un café, tandis qu’un autre incendie aurait été déjoué dans un supermarché à Varsovie (Pologne). Deux mois plus tard, des engins incendiaires similaires à ceux retrouvés sur ces lieux ont déclenché des incendies dans des centres de transit à Leipzig, en Allemagne, et à Birmingham, en Angleterre. L’un d’eux, posé sur un avion et déclenché pendant que celui-ci était toujours au sol, aurait pu, selon la sécurité allemande, faire des dégâts catastrophiques si l’avion n’avait pas été retenu par un retard de correspondance.
Selon les experts en sécurité interrogés par le média américain, ces ingérences faisaient partie d’un programme visant à tester les dispositifs incendiaires avant de les installer sur des avions à destination des Etats-Unis. Une menace si élevée “que le conseiller à la sécurité nationale de l’époque, Jake Sullivan, et le chef de la CIA, William Burns, ont appelé les dirigeants russes en août et leur ont demandé d’arrêter l’attaque”, rapportait à l’époque le New York Times.
Une tentative de bombe déjouée sur le sol français
Le colonel général Andrey Averyanov, décoré de la plus haute distinction Russe par Vladimir Poutine pour son implication dans l’occupation et l’annexion de la Crimée, est à la tête de cette cellule. Il est secondé par le général Ivan Kasianenko, d’origine Kazakh, qui avait repris en 2023 la supervision des opérations paramilitaires de Wagner en Europe après le meurtre de son fondateur, Evgueni Prigojine. Selon des sources du renseignement européen, dont les propos sont rapportés par le WSJ, Kasianenko a aussi récemment participé à la facilitation du transfert de compétences et de technologie de la Russie vers l’Iran.
En décembre dernier, l’Union européenne avait sanctionné sans le nommer le département pour avoir orchestré “des coups d’État, des assassinats, des attentats et des cyberattaques” sur le territoire européen et en dehors. Selon l’UE, en mai 2024, des agents du SSD ont mis le feu à une usine à Berlin appartenant à Diehl, une société qui fournit des systèmes d’armes à l’Ukraine. Tandis qu’en juin, les autorités françaises arrêtaient un double ressortissant ukrainien-russe après l’explosion d’une bombe de fortune dans sa chambre d’hôtel. Il prévoyait, d’après les autorités, de faire exploser un magasin de bricolage.
Aux Etats-Unis, qui s’inquiètent du fait que ces agressions ne parviennent jusqu’à leur sol, le département d’Etat offre toujours une prime de 10 millions de dollars pour des informations concernant cinq membres de l’unité responsables de cyberattaques en Ukraine. Après un pic d’activités cet été, les attaques du SSD se sont néanmoins calmées ces derniers mois, note le Wall Street Journal. Peut-être, avance le journal, pour “créer un espace diplomatique pour que Moscou puisse négocier avec la nouvelle administration américaine” de Donald Trump.
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