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Comment réarmer la France ? L’heure des choix a sonné, par Eric Chol


Pas de hausses d’impôt pour financer le réarmement français, a promis Emmanuel Macron. Même si, depuis la dissolution, le président de la République ne contrôle plus les manettes fiscales du pays, il faut lui reconnaître une certaine cohérence, lui qui s’est efforcé depuis son arrivée à l’Elysée de faire baisser les impôts dans un pays où les prélèvements obligatoires atteignent un record (46,1 % du PIB). Donc pas de recours à l’impôt, mais un mur de nouvelles dépenses à financer, si la France veut accroître ses dépenses militaires de 2 à 3,5 %, voire 5 % de son revenu national. Soit une augmentation comprise entre 45 et 90 milliards d’euros par an. Comment trouver cet argent, quand les caisses de l’Etat sont vides et que le gouvernement s’efforce de vendre aux marchés financiers sa stratégie de désendettement, encore embryonnaire ? Sans doute dans les poches des ménages, avec leur consentement, à travers un grand emprunt national, ou par des livrets d’épargne fléchés vers la défense.

Des idées envisagées par l’exécutif, même si le recours à l’endettement risque de précipiter le pays dans une zone critique, surtout si, souligne l’économiste Charles Serfaty (1), tous les Etats européens font de même. “Les taux d’intérêt vont logiquement finir par augmenter.” Peut-être nos gouvernants seraient bien inspirés de regarder dans le rétroviseur de l’entre-deux-guerres.

Entre 1936 et 1939, la France, confrontée au péril hitlérien, a engagé un effort de réarmement massif, d’abord sous le Front populaire, mais surtout à partir de novembre 1938, avec le ministre des Finances Paul Reynaud. Conscient du danger nazi, celui-ci avait prévenu quelques mois plus tôt, dans le journal Paris-Soir : “Nous sommes entrés dans la zone non sanglante de la guerre.”

Dès sa nomination, il n’a de cesse de bâtir une économie de guerre, portant l’effort de défense à près de la moitié des dépenses publiques. Il parvient également à assouplir le régime des quarante heures de travail hebdomadaire, obtenu par le gouvernement Blum. “Croyez-vous que, dans l’Europe d’aujourd’hui, la France puisse à la fois maintenir son train de vie, dépenser 25 milliards d’armements et se reposer deux jours par semaine ?”, lance-t-il à la radio en novembre 1938. Il sabre les dépenses sociales, les grands travaux, l’aide aux collectivités locales et gèle l’embauche de fonctionnaires. Un kit de rigueur dont pourrait s’inspirer le gouvernement Bayrou. Economies d’un côté, dépenses militaires en forte hausse (9 % du PIB avant guerre) de l’autre : pour financer cet investissement, Paul Reynaud lance des “bons d’armement” lesquels, explique l’historienne et économiste Laure Quennouëlle-Corre (2) , “étaient très intéressants fiscalement, diffusés largement dans le public, permettant une mobilisation citoyenne”. “Souscrivez aux bons d’armement. Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts”, pouvait-on lire sur une affiche de 1939… Hélas, pour avoir trop longtemps nié le danger, le 10 mai 1940, la France n’était pas prête.

(1) Auteur de Histoire économique de la France (Passés composés, 2024)

(2) Auteure de Le Déni de la dette (Flammarion, 2024)




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