Dans la longue pièce aux hautes fenêtres et parquet de bois blond, c’est à peine si l’on entend le bruit des ciseaux glissant sur les cheveux. En ce jeudi matin, une vingtaine d’élèves s’affaire autour de têtes à coiffer. L’objet de tant d’application ? “La réalisation d’un dégradé triangle”, souffle leur formateur. Les futurs professionnels qu’il supervise, très majoritairement des filles, sont toutes des élèves de première année du Real Campus, une école professionnelle lancée il y a cinq ans par L’Oréal, n°1 mondial de la cosmétique.
La genèse de cet établissement, aujourd’hui installé dans de très beaux locaux du XIVe arrondissement de Paris, naît d’un constat : il manquerait aujourd’hui 10 000 à 15 000 coiffeurs en France. Le métier, il est vrai, souffre de plusieurs handicaps, entre conditions de travail difficiles et difficultés économiques. Or, moins de coiffeurs, c’est aussi moins de débouchés pour une partie des produits commercialisés par L’Oréal, notamment sa gamme destinée aux professionnels. D’où la création du Real Campus, qui se positionne sur un “créneau” différent des lycées pros, en proposant un bachelor Entrepreneur de la coiffure, une formation en trois ans qui se veut complémentaire des CAP et BP coiffure. Ce bachelor (1) se déroule en alternance, donc sans frais pour les étudiants, mais ceux qui n’ont pas déjà un diplôme de coiffeur (60 % des élèves), doivent suivre une formation accélérée aux bases du métier, finançable par le CPF, et facturée 1 600 euros les quatre semaines. “Nous sommes à moitié une école de coiffure et à moitié une école de commerce”, résume son énergique directrice, Anne-Léone Campanella. A la sortie de leur bachelor, les diplômés maîtrisent donc les secrets du carré plongeant et de l’ombré caramel, mais aussi les bases du marketing, de la comptabilité et de la gestion.
Précisément. Dans une autre salle, des élèves de deuxième année apprennent à rédiger une annonce de recrutement percutante. Exit les bacs à shampoings, place au tableau blanc numérique. “Une annonce, c’est un outil marketing, puisque c’est l’occasion de mettre en avant votre salon et votre marque. Donc, faites bien attention au vocabulaire employé”, martèle la formatrice, Joelline Gentil-Koenig.
Du jeune post-bac au quinqua en reconversion
Un coup d’œil sur la classe confirme que le profil des élèves du Real Campus est varié, du jeune post-bac au quinqua en reconversion. “Un dossier sur trois seulement est retenu, souligne la directrice. Tout l’enjeu consiste pour nous à trouver des personnes qui souhaitent entreprendre.” La très élégante Kiria, 28 ans, tout juste arrivée à l’école, fait partie des heureuses élues. Déjà titulaire d’un master en communication, la jeune femme n’avait jamais tenu de ciseaux, mais semble aujourd’hui très à l’aise devant sa tête à coiffer : “C’est ma propre expérience avec mes cheveux texturés, souvent maltraités dans les salons, qui m’a poussée à creuser la question de la discrimination capillaire pour mon mémoire de master, explique-t-elle. Et le sujet m’a tellement passionnée que j’ai décidé de me réorienter et de me former au métier de coiffeur, avec le projet d’ouvrir mon propre salon, dédié à toutes les textures de cheveux.”
Selon Anne-Léone Campanella, 100 % des 75 élèves diplômés du Real Campus sont aujourd’hui en emploi, soit dans le salon où ils ont suivi leur apprentissage, soit dans leur propre salon. Mais d’autres, plus rares, se spécialisent dans des métiers complémentaires à la coiffure – comme la formation, ou bien encore le développement de nouveaux produits capillaires. De futurs concurrents de L’Oréal ?
(1) Le bachelor est un terme non protégé qui désigne des formations post-bac. Tous ne permettent donc pas la poursuite d’études en bac + 5.
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